La vérité sur l’amnistie
De nombreuses voix dénoncent les effets de la traditionnelle amnistie présidentielle.
L’amnistie n’est qu’une pratique juridique dépourvue de tout fondement légal, qui veut que députés et sénateurs accueillent le nouveau Président par ce coup d’éponge administratif. Elle n’est donc nullement un “droit” et rien ne s’opposerait à ce qu’elle disparaisse. D’autant que cinq associations nationales militent dans ce sens (dont la Prévention routière et la Ligue contre la violence routière).
En effet, elles reprochent à la loi d’amnistie d’inciter les automobilistes à des comportements inciviques, voire dangereux. Ces associations estiment ainsi que chaque amnistie provoque des centaines d’accidents supplémentaires (voir encadré). Néanmoins, les principaux candidats à la magistrature suprême se sont déjà fait leur opinion et l’amnistie aura bien lieu. Mais une question demeure : quelles infractions concernera-t-elle ? Certaines sources ministérielles annoncent qu’elle pourrait bien ne toucher que les stationnements payants et gênants. Pour d’autres, elle serait calquée sur la dernière loi (1995). Ce texte est en tout cas le seul élément objectif dont on puisse se servir, faute d’indiscrétion de la Direction des affaires criminelles et des grâces, l’administration qui prépare le texte et d’où rien ne sortira avant l’élection. Un petit voyage dans le temps s’impose donc, qui démontre que l’amnistie a toujours été moins permissive en réalité que dans les fantasmes des conducteurs.
Les effets classiques de l’amnistie
Une fois applicable (promulguée), la loi d’amnistie a deux conséquences :
L’automobiliste qui n’a pas encore été condamné pour son infraction ne peut plus être jugé. Et l’amnistie joue également si le condamné peut encore exercer un recours (faire appel ou aller en cassation) le jour de la promulgation.
Le conducteur qui a déjà été condamné voit son jugement effacé et la peine annulée (si elle n’a pas déjà été effectuée). Ainsi, le contrevenant soumis à un mois de suspension de permis qui a déjà fait 15 jours n’aura pas à faire les 15 jours restant.
Voilà pour le principe. Mais, en matière de circulation routière, la loi de 1995 était beaucoup plus contraignante.
Les exclusions de l’amnistie
Les infractions qui étaient exclues par la loi de 1995 le seront aussi l’année prochaine. Il est même probable que la future amnistie sera encore plus restrictive.
Sont donc d’office exclus tous les délits prévus par le Code de la route (conduite avec 0,8 gramme d’alcool par litre de sang ou plus, homicide involontaire suite à mise en danger volontaire de la vie d’autrui, récidive de grand excès de vitesse…).
Toutes les contraventions qui entraînent la perte de 4 points ne seront pas amnistiées non plus (feu ou stop grillé, sens interdit, excès de vitesse d’au moins 40 km/h…). A noter qu’en 1995 un compte rendu de discussion parlementaire a trahi les interrogations des élus. Ces derniers avaient envisagé de ne plus amnistier les contraventions avec perte de 3 points (exemple : alcoolémie comprise entre 0,5 et moins de 0,8 g et excès de vitesse compris entre 30 et 40 km/h), pour finir par y renoncer. En 2002, le débat pourrait avoir un résultat différent.
L’amnistie et l’amende
Le conducteur qui commet une infraction non exclue d’emblée de l’amnistie peut encore être déçu. En 1995 la loi prévoyait que les amendes supérieures à 750 E n’étaient pas amnistiées.
La perte de points
Il n’est pas facile de sauver son permis grâce à l’amnistie. Celui qui paie spontanément l’amende se verra retirer les points correspondants. Même chose pour celui qui a été condamné et qui n’a plus de recours alors que la loi n’est pas promulguée. Le même sort attend celui qui bénéficiait de la procédure de l’amende forfaitaire (timbre à coller sur la contravention) et qui n’a pas payé. Son retard entraîne l’émission d’une amende forfaitaire majorée qui rend aussi définitive la perte de points.
Quand compter sur l’amnistie ?
La contravention est lourde mais entraîne une perte de moins de 4 points (abandon d’une voiture-épave sur la voie publique, installation d’un antiradar… jusqu’à 1 500 E d’amende mais aucun retrait de point). L’automobiliste jugé sur dossier sans être convoqué au tribunal n’a pas intérêt à contester afin d’allonger le délai. Sinon, il risque d’être convoqué et condamné à une amende habituellement supérieure à 750 E, et de ce fait non amnistiable.
Le conducteur qui doit sauver son permis a intérêt à gagner du temps par tous les moyens. Il peut par exemple contester l’infraction sur le PV lui-même puis demander à passer devant le tribunal et enfin faire appel du jugement. Mais encore faut-il que ses finances suivent, car agacer les juges rend souvent l’amende très salée.
Le conducteur a commis une contravention minime. Il peut aussi faire durer, mais attention, une contravention pour plaque mal fixée, payée dans les 3 jours,, c’est une amende de 45 E. Deux mois plus tard elle peut passer à 180 E et être non amnistiable car elle s’est transformée en amende forfaitaire majorée, ou même s’envoler jusqu’à 450 E (maximum légal) ! A ce stade, elle peut être récupérée par un huissier du Trésor public.