Moteurs dTi : Renault promet mais n’agit pas
Le feuilleton du moteur Renault 1.9 dTi et dCi continue. Nous en sommes au quatrième épisode et, à l’heure où nous bouclons, nous avons recueilli plus de 220 témoignages complets par courrier plus une cinquantaine par e-mail. Pourtant, Renault persiste à minimiser l’incident et à ne pas prendre ses responsabilités, comme nous le signalent encore de nombreux témoignages.
Les faits
Grâce à des plaintes concordantes de lecteurs, nous avons mis au jour un grave défaut de conception sur une série de moteurs diesels Renault. Les 1.9 l dTi et pour une quinzaine de cas les dCi sont concernés, principalement les modèles pourvus d’une climatisation. Soit 1 200 000 véhicules, selon les numéros de série tirés des notes techniques internes du constructeur. Un phénomène vibratoire lié aux efforts intenses que subit la courroie d’alternateur (également appelée courroie d’accessoires ou courroie multifonction, entraînant alternateur, pompe d’injection, pompe à eau, pompe de direction assistée et compresseur de climatisation), fait que celle-ci se dégrade, s’effiloche puis casse.
Le plus souvent, elle passe dans la courroie de distribution, qu’elle décale ou fait sauter, provoquant une casse partielle ou totale du moteur. En outre, cette courroie vibre tellement qu’elle desserre et casse les vis de fixation de la pompe d’injection, mais également le support supérieur de fixation de l’alternateur. Il s’agit d’un défaut de conception auquel Renault sait remédier (hélas après casse du moteur et aux frais du client) en remplaçant l’alternateur d’origine par un modèle à poulie débrayable. En cas de trop forte contrainte sur la courroie (au-delà d’un certain couple de résistance), la poulie de cet alternateur passe en roue libre, le temps nécessaire pour réduire les efforts portant sur la courroie. Hélas, Renault ne procède pas à ce remplacement préventivement et le coût de l’opération pour le client est d’environ 500 euros pour le seul alternateur, sans préjuger des dégâts annexes.
Un problème parfaitement connu
Pourtant le problème est connu et parfaitement identifié par Renault depuis 1998, comme en témoigne une série de quatre notes techniques internes du constructeur (3183A, 3302A, 4067A, 4174A) adressées à son réseau, qui décrivent le problème ainsi que les solutions techniques à y apporter. Non sans préciser au chapitre de la période d’intervention que celle-ci doit se faire “sur plainte client”. Comme il n’y a aucun signe précurseur à la casse de la courroie, autant dire quand le moteur a cassé. En outre, ce problème concerne le portefeuille mais aussi la sécurité des utilisateurs : que faire lorsque se produit la casse à 130 km/h sur autoroute et que l’on se retrouve moteur arrêté sans direction assistée, et quasiment sans freins au milieu du flot de circulation sans avoir forcément la possibilité de se rabattre ? Deux lectrices ont connu cette frayeur sans qu’il n’y ait eu, heureusement, de victimes.
Renault fait le dos rond
Forts de ces témoignages, nous avions donc demandé au constructeur dès le 28 mars des explications précises sur ce problème (voir AM n° 90) et surtout sur les très faibles taux de prise en charge accordés par le réseau aux propriétaires victimes de cette casse : en moyenne 20 % à 30 % de factures allant de 763 E à 4 573 E pour des véhicules qui ont en général de 40 000 à 70 000 km. Peu satisfaits des réponses apportées, nous avions obtenu le 26 avril une interview avec Jean-Loup Huet, directeur de projet du moteur F (qui sert de base au 1.9 dTi et dCi), Christian Parfait, directeur qualité et services France, et Jocelyne Chapoutier, du service relations clientèle.
Une entrevue qui aurait dû clore le sujet par l’engagement pris devant nous de réétudier les cas des victimes de ce vice caché : “Nous nous engageons à traiter chaque cas commercialement” (Christian Parfait) ou encore, “Le service relations clientèle étudiera tous les cas qui lui seront adressés” (Jocelyne Chapoutier). Une volonté d’apaisement hélas contredite par de nombreux témoignages relatant des faits postérieurs à cette interview. En voici deux assez révélateurs.
Jean-Pierre G., propriétaire d’une Mégane 1.9 dTi, achetée neuve en mai 2000, se rend le 17 mai dernier chez son garagiste à cause d’un bruit moteur suspect. Les courroies d’alternateur et de distribution sont changées, ainsi que la poulie d’arbre à cames. Mais pas l’alternateur, et Renault ne prend à sa charge que 60 % de la facture, sur une voiture de deux ans et 31 586 km ! Or cela se passe près d’un mois après notre rencontre avec les responsables de Renault…
Il y a aussi le cas de ce lecteur habitant près de Caen, propriétaire d’une Laguna dTi de 54 000 km, qui découvre en levant son capot, lui aussi après lecture de notre dernier article, que son support supérieur d’alternateur est fendu et sur le point de rendre l’âme. Son concessionnaire affirme n’avoir aucune instruction à ce sujet puis, devant son indignation, prend contact avec le service clientèle qui lui fait parvenir un fax attestant que la marque ne prendra à sa charge 90 % de la réparation que lorsque celle-ci se révélera nécessaire, en clair, après la casse : une aberration économique.
De plus, les faits semblent contredire ce que nous avait affirmé Jean-Loup Huet le 26 avril : “La vraie solution technique fut la mise en place d’une poulie d’alternateur dite ‘à roue libre’ en 2000”. En fait, ces alternateurs à poulie débrayable n’auraient pas été montés en usine début 2000, mais plutôt début 2002 selon l’affirmation d’un de nos interlocuteurs de Renault à un confrère. Nous avons eu vent par ailleurs de cas de casse de véhicules achetés neufs courant 2001.
A la lumière de ces événements, nous constatons que, malgré les déclarations rassurantes de trois hauts responsables de Renault, rien ne semble avoir changé dans l’attitude du réseau ou de son service clientèle. Et nous continuons à demander au constructeur de prendre ses responsabilités en rappelant les véhicules concernés pour procéder à leur mise à niveau gratuite (support, vis de pompe d’injection, tendeur dynamique et alternateur à poulie débrayage) et de prendre en charge à 100 % les incidents moteur déjà survenus.