Révision rapide : arnaque et incompétence
Visite de concessionnaires et centres auto avec une voiture remplie de défauts. Un test qui fait froid dans le dos…
Un étudiant amène la voiture de son amie en révision. De toute évidence, il n’a pas l’air de connaître grand-chose à l’automobile. Ce que les réceptionnistes des centres auto et concessionnaires qui le voient arriver ne savent pas, c’est que ce “pigeon idéal” est en réalité élève ingénieur d’une grande école spécialisée dans l’automobile, qu’il est stagiaire à Auto Moto, et surtout que sa voiture a été savamment “préparée”…
Deux interrogations sous-tendent ce reportage un peu particulier dans le milieu de la “révision rapide sans rendez-vous”. D’abord, peut-on prendre la route en toute sécurité après ce type de révision ? Ensuite, faut-il inspecter chaque détail de la facture pour vérifier que les travaux payés ont bien été effectués ? Notre méchant test, nous l’avons fait subir à trois franchisés de l’entretien minute – Midas, Norauto et Feu Vert – ainsi qu’à deux services “Peugeot Rapide” de concessionnaire. Après chaque intervention, notre Peugeot 106 (1.6 essence, 76 000 km, millésime 1995) a subi un contrôle en règle et une nouvelle “préparation”.
Midas : “La voiture est dangereuse”
Dans ce Midas de la banlieue ouest de Paris, aucune attente : rare. Le technicien paraît plutôt arrangeant en proposant de réaliser le forfait “révision intermédiaire” à 659 F et de ne passer au forfait “approfondi” que si besoin est. Nous lui laissons donc la voiture en toute confiance pour une révision de 3 heures. Au bout d’une heure, il appelle : “Il y a plus de travail que prévu, il faut passer au forfait révision approfondie à 779 F.” La vraie surprise est que, selon lui, “les disques de freins avant sont usés – mais les plaquettes sont encore bonnes –, il y a une fuite dans le circuit de freinage arrière et la gomme des deux pneus arrière est usée”. C’est étrange ! Tout cela a été vérifié le matin même sans qu’aucun problème n’ait été constaté. Nous refusons l’intervention. Il nous conseille alors d’éviter de rouler et surtout de ne pas faire de long trajet car “la voiture est dangereuse”. Deuxième surprise, le montant du devis, qui s’élève à 3 967,60 F. Les plaquettes de freins, d’abord annoncées comme bonnes, sont tout de même proposées pour 349 F. Sont facturés en plus un forfait “récupération de pneu” à 14 F ainsi que 210 F de mystérieux “travaux spéciaux”. A la reprise de la voiture, le technicien spécifie qu’il est “le premier à avoir touché aux freins depuis sa construction”. Or le contrôle prouvera qu’ils n’ont pas été démontés durant la révision. En revanche, aucune remarque ni proposition de purge n’est faite sur le liquide de frein pourtant jugé défectueux sur le rapport. Les autres changements proposés ont été effectués. Les niveaux ont été faits et le pneu a bien été regonflé (contrairement à la roue de secours). Quant au contrôle de l’éclairage, le phare avant est toujours déréglé et l’ampoule de feu arrière hors d’usage. Slogan du réseau : “Demandez-nous la perfection.” Un travail correct, ce serait déjà bien…
Peugeot Rapide (95) : peu rapide, très superficiel
Inspection détaillée chez notre “complice” puis réintroduction des “défauts” et direction un grand concessionnaire Peugeot du Val-d’Oise qui propose un Peugeot Rapide. Manque de chance, lorsque nous demandons la révision C (la plus importante) à 1 300 F, on nous explique qu’il faut prendre rendez-vous trois semaines à l’avance… On nous propose alors la révision A (la plus simple) à 600 F avec, pour un supplément de 280 F, changement des bougies et du filtre à air. Il faut compter 2 heures d’attente.
La voiture est rendue légèrement en retard, mais lavée. Aucun commentaire sur la facture, ni oralement ni par écrit sur la feuille de diagnostic. Rien sur l’état calamiteux du liquide de frein. Tous les niveaux ont bien été effectués même si le liquide de direction assistée est rempli à ras bord, au risque d’endommager les durits. On constate en outre que deux antiparasites sur quatre ont été mal fixés et que la roue de secours a encore été oubliée (sur le rapport, la pression des cinq pneus est censée avoir été contrôlée). Enfin, le ticket de contrôle antipollution n’a pas été remis et l’éclairage défectueux n’a pas été réparé.
Norauto : presque sans faute
C’est ensuite le tour d’un Norauto du Val-d’Oise, avec une bonne surprise. Pour la première fois, une vraie salle d’attente est aménagée, avec magazines, téléviseur et distributeur de boissons. De plus, tous les tarifs sont clairement affichés et détaillés. Le forfait révision approfondie à 840 F semblait d’abord difficile à placer dans le planning, mais un technicien est finalement trouvé.
Au moment de nous remettre la facture, il prendra d’ailleurs le temps de donner des explications orales en plus du diagnostic écrit (véritablement complet avec 4 pages récapitulatives). Il nous informe que les freins sont usés à 50 %, conseille de surveiller la roue arrière gauche “anormalement dégonflée” et de changer l’essuie-glace arrière. Ce centre est le seul de tout le comparatif à avoir changé l’ampoule de feu stop. En revanche, le liquide de frein est jugé bon, les pneus sont surgonflés et la roue de secours encore une fois oubliée. Là aussi un antiparasite est mal fixé. Dommage, car la prestation générale était de qualité.
Peugeot Rapide (80) : “Aucun problème particulier”
Et maintenant, direction la province pour tester le Peugeot Rapide d’une concession de la Somme. Là, on accepte de prendre la voiture pour la révision approfondie à 1 300 F, mais nous ne pourrons la récupérer que 3 heures et demie plus tard. Les tarifs des forfaits affichés à la porte ne sont plus valables (inférieurs de 100 et 200 F à ceux qui sont pratiqués). Cette fois-ci, tous les antiparasites sont biens remis, les écrous et cache-écrous des freins arrière ont été changés ainsi que le filtre à essence, et un essai routier de 5 kilomètres a été pratiqué. Verdict : l’essuie-glace arrière doit être changé, en dehors de quoi “il n’y a aucun problème particulier”. Les pneumatiques n’ont pas été regonflés (ne parlons même pas de la roue de secours), l’ampoule de feu n’a pas été changée et l’état du liquide de frein a encore été négligé. Là aussi, le liquide de direction assistée est rempli à ras bord (une spécialité Peugeot ?).
Feu Vert : le carton rouge
Pour finir, passons par un centre Feu Vert de l’Oise. C’est le seul centre auto du test à être fermé durant l’heure du déjeuner et il est déconseillé d’arriver en fin de matinée, la voiture serait refusée et on vous demanderait de revenir 1 h 30 plus tard. Dommage qu’aucun siège ne soit proposé, car l’attente est très longue. Quatre heures plus tard, on nous rend enfin la voiture en prévenant que le liquide de frein doit être changé (ce sont les seuls à l’avoir noté), mais le travail n’a pas été fait. De grosses surprises nous attendent lors de la vérification chez notre garagiste complice. Bien que facturé, le filtre à air n’a pas été changé. Par ailleurs, son état a visiblement été contrôlé car il manque maintenant des agrafes sur le cache qui n’est plus fixé. Le feu arrière a été jugé en bon état et les pneus n’ont pas été regonflés. Quant aux remises à niveau des différents liquides, elles n’ont pas bénéficié de plus d’attention. Et le tout pour 695 F ! Ça fait cher pour une vidange et un test d’ébullition de liquide
de frein.
Conclusion
Les véritables victimes que montre ce reportage “stylo caché” ne sont pas les professionnels que nous avons piégés, ce sont les automobilistes qui paient pour des prestations proposées, facturées mais non effectuées. Même si ce reportage ne prétend pas être une enquête exhaustive, ce qu’il montre suffit à faire froid dans le dos. Une pression des pneus mal faite ou omise est déjà impardonnable. Mais l’erreur – ou l’absence – de diagnostic est encore plus grave concernant le liquide de frein : avec son pourcentage d’eau très élevé, la première grosse descente pouvait se terminer sans freins.
Une chose est sûre, tant que les interventions se limitent à une vidange, un changement de filtre à air ou de pneus sur une voiture régulièrement entretenue, les forfaits de révision rapide proposés par les centres auto et les concessionnaires peuvent se justifier, même si l’honnêteté peut manquer au rendez-vous. Mais dès lors qu’il s’agit de faire procéder à une révision importante ou à un passage en revue d’urgence avant de partir en vacances, notre expérience montre qu’il vaut mieux bannir ces services rapides. De ce point de vue, la mauvaise surprise vient de ceux estampillés Peugeot : on pouvait espérer que les concessionnaires d’un grand constructeur relèvent le niveau. Ce n’est pas le cas, au point de devoir se demander ce que valent leurs révisions “normales”. Moralité, si garagistes et consorts se plaignent de leur mauvaise réputation, quatre des cinq que nous avons visités mettent un soin particulier à l’entretenir.
Julien Pichet
L’état de notre voiture cobaye :
Niveaux d’huile, d’eau et de direction assistée au minimum, bougies usagées, roue de secours dégonflée de 1 kg et roue arrière gauche de 500 g, phare avant droit déréglé et ampoule de feu arrière gauche grillée, liquide de frein corrompu (teneur en eau supérieure à 3 %) et filtre à air encrassé…
Les professionnels avaient de quoi s’occuper sur notre Peugeot 106.